Association de Sauvegarde du

CHATEAU DE GAVRAY

La guerre civile en Normandie 1328 - 1355

La succession de Charles IV le Bel, décédé en 1328 est compliquée par l’absence d’héritier directe.
Edouard III d’Angleterre, petit-fils de Philippe IV le Bel, est évincé, la couronne ne doit pas échoir à un « étranger ».
Jeanne II de Navarre, fille de Louis X le Hutin et de Marguerite de Bourgogne, une des actrices du scandale de la Tour de Nesle, est évincée la couronne ne doit échoir à une « bâtarde ».
1328 – Philippe, fils de Charles de Valois, frère cadet de Philippe IV et de Marguerite d’Anjou, âgé de 35 ans, est choisit par une assemblée de barons et devient Philippe VI.
1337 – En novembre, Edouard III, roi d’Angleterre, défie Philippe VI, c’est le début de la guerre de cent ans. Philippe VI demande l’aide des Normands. Ces derniers lui fournissent, notamment, marins et bateaux. Rouen est le seul chantier naval capable de construire des navires de guerre, des navires marchands sont armés dans d’autres ports normands.
1338 – Les Normands, commandés par Robert Bertran, s’emparent de Guernesey.

  Portrait de Jeanne II de Navarre (Livre d’heures de Jeanne de Navarre)
 

1339 – Le 23 mars, Philippe VI reconnait la spécificité des Normands en confirmant et complétant la « Charte aux Normands » de 1315. Elle sera, jusqu’en 1789, le symbole du particularisme normand.
En conclusion de la réunion des Etats de Normandie, les Normands s’engagent, notamment, à fournir une armée de 4 000 hommes d’armes, 20 000 hommes de pied et 5 000 arbalétriers, tous recrutés en Normandie, pour envahir l’Angleterre.
Parmi les représentants normands figuraient : Pierre Roger, archevêque de Rouen, Guillaume Bertran, évêque de Bayeux, Jean Hautefune, évêque d’Avranches, Robert Bertran, maréchal de France, Raoul de Brienne, comte d’Eu et Jean, seigneur d’Harcourt.
1340 – Le 24 juin, la flotte française, 190 bateaux et 20 000 hommes, sous le commandement conjoint de l’amiral Hue Quiéret et du capitaine Nicolas Béhuchet, piètres marins, sombre face aux 250 bateaux et 15 000 hommes, commandés par Henri III, à la bataille de l’Ecluse, près de Bruges.
Le 25 septembre, la France et l’Angleterre concluent une trêve de cinq ans à Esplechin près de Tournai.

Gravure « L’octroi de la charte aux Normands »  

Geoffroy d’Harcourt
1306 – Naissance de Geoffroy, fils cadet de Jean III d’Harcourt et d’Alix de Brabant, nièce de Marie de Brabant épouse de Philippe III le Hardi, il est un des seigneurs  les plus puissants de Normandie.
1326 – Geoffroy est armé chevalier.
1330 -  Il hérite de la vicomté de Saint Sauveur.
1339 - Il fait partie, avec son frère ainé le comte Jean IV d’Harcourt, des 50 barons normands qui s’engagent à participer à une future conquête de l’Angleterre, tentative qui échouera après la déroute de la bataille de l’Ecluse.
Il convoite Jeanne Bacon, fille de Roger V Bacon, unique héritière du riche fief de Molay Bacon. Jeanne Bacon est, également, convoitée par Guillaume Bertran, fils de Robert II Bertran, maréchal de France et seigneur de Bricquebec, descendant des Tancarville plus fidèles soutiens de la couronne de France en Normandie, et rivaux héréditaires des Harcourt.
Econduit, Geoffroy entreprend une véritable guerre privée contre la famille Tancarville.
1341 – Le 30 mars, Philippe VI interdit à ses deux barons de se faire la guerre.
1343 – Geoffroy ne renonce pas et attaque l’évêque de Bayeux, frère de Guillaume Bertran, contrevenant ouvertement aux ordres du roi.
1344 – Le 3 avril, Philippe VI, saisit les biens  de Geoffroy d’Harcourt et fait décapiter trois de ses principaux soutiens : Jean Tesson, Guillaume Bacon et Richard de Percy en les accusant de comploter pour placer Geoffroy d’Harcourt à la tête du duché de Normandie et d’une alliance secrète avec l’Angleterre. Leurs têtes sont exposées à Saint Lo sur une roue en plein marché.
Contraint à l’exil, Geoffroy d’Harcourt se retire sur ses terres de Flandres où il est accueilli par son cousin le duc Jean III de Brabant. Sans espoir de retrouver ses fiefs normands, il passe en Angleterre où il se met au service du roi Edouard III auquel il rend hommage.
1345 – Le 13 juin, par lettres patentes, Edouard III promet de lui procurer des terres en Angleterre et de lui faire restituer ses fiefs normands.
1346 – Le 12 juillet, nommé maréchal d’Angleterre par Edouard III, il commande un des trois corps d’armée qui débarque à Saint-Vast la Hougue (Cotentin).
Geoffroy conduit l’armée d’Edouard III, qui pille et saccage la Normandie surprenant les Normands après 150 ans de relative paix. L’armée anglaise ne rencontre pas de résistance sur son chemin où les forteresses et  les remparts sont en très mauvais état, conséquence d’un entretien négligé. Saint Lo et Coutances sont brûlées, Caen est prise sauf le château.
Il convainc le roi d’Angleterre de mettre fin au massacre de la population normande, puis provoque le roi de France en allant brûler Saint Cloud.

 
  Arrestation du roi de Navarre et du comte d’Harcourt lors du banquet de Rouen.
 

 

Le 26 août, il est un des vainqueurs de la bataille de Crécy (Somme) où l’armée anglaise écrasa l’armée française en dépit de son infériorité numérique. Le soir même, il reconnait le corps de son frère, le comte Jean IV d’Harcourt, gouverneur de Rouen, tué dans les rangs français ainsi que celui de son neveu le comte d’Aumale. Le remords le pousse à rejoindre le camp de son frère et de son neveu où il obtient le pardon du roi de France PhilippeVI qui est alors très affaibli par sa défaite.
1347 – Il est fait capitaine-souverain de Rouen et de Caen, avec l’autorisation de levée l’impôt et des troupes.
Le 5 mars, Edouard III constatant son changement d’allégeance confisque ses biens anglais.
Le 4 août, Calais, après un siège, se livre au roi d’Angleterre.
En novembre, sur demande de Philippe VI, son fils Jean, duc de Normandie, réunit les Etats de Normandie pour obtenir des « aides pour le fait des guerres ». Un subside de 450 000 livres est consenti.
1348 – En mars, une nouvelle réunion des Etats se tient à Pont-Audemer. L’ordonnance rendue précise les conditions de prélèvement du subside et les garanties obtenues par les contribuables.  
Le 23 avril, Edouard III, à l’occasion d’un bal à Calais, sa maitresse et danseuse, la comtesse de Salisbury, fait tomber sa jarretière. Le roi, galamment, la ramasse sous les quolibets des danseurs, se l’attache au genou et met court aux railleries en prononçant « Honni soit qui mal y pense, ceux qui rient maintenant seront très honorés d’en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement ». Il vient de créer l’ordre de la Jarretière.
En juillet, les Normands sont frappés par l’épidémie meurtrière de peste noire qui se propage en Europe, et suspend les opérations militaires. En deux ans, les villes et villages perdent de 15 à 50 % de leur population. Ce fléau s’ajoute aux désastres militaires et à la crise économique du début de la guerre de Cent Ans. Le pouvoir des Valois est fortement contesté.

Gravure la bataille de Crécy   

 

1349 Le 6 décembre, Jeanne II de Navarre décède de la peste, son fils, Charles II, dit le Mauvais, âgé de 17 ans, lui succède.
En décembre, Philippe VI épouse, en seconde noces, Blanche de Navarre, âgé de 18 ans, fille de Philippe d’Evreux et de Jeanne II de Navarre.
1350 – Le 22 août, Philippe VI décède.
Le 26 septembre, Jean, fils de Philippe VI et de Jeanne de Bourgogne, se fait sacrer roi de France, sous le nom de Jean II le Bon, prenant de court les autres prétendants, Edouard III et Charles II de Navarre, tous deux descendants de Philippe IV le Bel.
La famille des comtes de Boulogne (le comte, le cardinal, leurs deux frères et leur parenté d’Auvergne), évincée de la gestion de la Bourgogne par le mariage de leur sœur, Jeanne d’Auvergne, avec le roi Jean II le Bon, les barons champenois fidèles à Jeanne de Navarre, les fidèles de Robert d’Artois, chassé du royaume par Philippe VI, la puissante Université de Paris et les marchands du nord-ouest du royaume (le commerce transmanche est vital pour eux), Geoffroy d’Harcourt et Charles II de Navarre se rapprochent
Le 19 novembre, Jean II le Bon fait exécuter le comte de Guînes, revenu de sa captivité anglaise et convaincu de haute trahison. Il aurait négocié sa libération contre l’engagement de reconnaitre Henri III comme roi de France. Le connétable Raoul de Brienne, détenteur comme lui de possessions continentales et insulaires,  est arrêté, jugé à huit clos, décapité, ses biens confisqués, pour avoir entretenu une liaison supposée avec la reine Bonne de Luxembourg, liaison susceptible de jeter un discrédit sur l’hérédité de Jean II.
Les seigneurs de Normandie, de Picardie, du Vermandois, du Beauvaisis, et des Flandres, soutiens de Raoul de Brienne se rangent derrière Charles II le Mauvais qui écrit au duc de Lancastre : « Tous les nobles de Normandie sont passés avec moi à mort à vie ».

 
  Portrait de Jean II le Bon
 

 

1354 – Le 8 janvier, Charles de Navarre fait assassiner en toutes impunités son rival Charles de la Cerda, comte d’Angoulême, qui a succédé à Raoul de Brienne à la charge de connétable.
 Le 22 février, tout en assumant son crime, il obtient Jean II le Bon, en le menaçant d’une alliance avec les Anglais, des concessions territoriales et de souveraineté lors du traité de Mantes.
1355 – Le dimanche de l’épiphanie, le dauphin Charles, duc de Normandie, convoque ses vassaux à Rouen. Geoffroy d’Harcourt, chef de file de la noblesse normande, lui brandit la « Charte aux Normands » en lui déclarant : « Monseigneur naturel, voici la charte aux Normands, si vous consentez à jurer et à observer ce qui y est contenu, je suis tout prêt à vous faire hommage ». Malgré cette audace, il rentre au Conseil du dauphin.
En mars, Jean II missionne le dauphin Charles d’organiser la défense de la Normandie. Malgré l’influence grandissante de Charles II de Navarre, le dauphin se fait habilement respecter. Les Normands répugnent à faire rentrer les taxes d’autant plus que les Navarrais les y encouragent.
Le 24 septembre, Charles organise une cérémonie de réconciliation entre les rois de France et de Navarre. Edouard III, roi d’Angleterre, prend ombrage de ce nouveau revirement, et se méfie désormais de ce concurrent à la couronne de France, le débarquement, qu’ils ont envisagé, n’aura pas lieu.
L’empereur du Saint Empire Germanique, Charles IV, oncle du dauphin, déjà inquiet de l’influence grandissante des Français sur l’ouest de son empire, subit une offensive diplomatique des Anglais qui l’amène à menacer son beau-frère, Jean II le Bon, de renégocier leur alliance. Il émancipe le duc de Bourgogne, Philippe Ier, âgé de 6 ans,  pour ses possessions en terres d’empire, possessions gérées par son beau-père, le roi de France. Le dauphin, proche de son oncle, risquant de perdre le Dauphiné, en désaccord avec son père, monté contre lui par Robert Le Coq, fervent Navarrais qui joue double jeu avec Jean II, et qui ne cesse de le convaincre que son père veut l’évincer du pouvoir, organise une fugue visant à rencontrer l’empereur en décembre, lui prêter hommage et apaiser les tensions. Informé du complot, le roi convoque son fils, lui confie la Normandie en apanage pour le rassurer et contrer le travail de sape des Navarrais.
1356 – Le roi est informé d’un complot visant au partage du pays entre Charles le Mauvais et les Anglais.
Le 5 avril, le dauphin, duc de Normandie, convie en son château de Rouen toute la noblesse normande, dont Charles II le Mauvais, comte d’Evreux, fait partie. Jean II, excédé par ses complots avec les Anglais, surgit menace le roi de Navarre en laissant éclater sa colère qui couve depuis la mort de son favori, le connétable Charles de la Cerda, mort à laquelle Jean d’Harcourt, son neveu, a été mêlé. Arrêté avec trois de ses compagnons, le roi Jean II le Bon le fait exécuter, sans autre forme de procès, ce d’autant plus qu’il s’élève contre les nouveaux impôts qui frappent la Normandie.
Le 7 avril, Charles le Mauvais est emprisonné au Louvre, puis au Châtelet et enfin à la forteresse d’Arleux, près de Douai.

Portrait de Charles le Mauvais  

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